Il s’agit en effet de ne jamais séparer l’œuvre du monde, et de reconnaître à cette activité le rôle capital qu’elle mérite dans l’histoire des formes littéraires et dans la poétique du discours ; ce qui suppose que les textes revivent dans d’autres langues par des gestes poétiques de la subjectivité écrivante, capables d’en prolonger la leçon. Pareillement, la cataphore adjectivale « immense » postpose le déictique italien « quella », de manière à souligner la grandeur de l’Empire romain avant sa chute : « Dei nostri avi famosi, e il grande impero/Di quella Roma, e l’armi, e il fragorio/Che n’andò per la terra e l’oceano ? Du point de vue prosodique, l’attaque de plusieurs vers est bâtie sur l’anapeste (–): « Ta fatigue […] » (au vers 2, mais aussi aux vers 5, 10, 11, 13, 14, 16 et 17). Décédé le 1er juillet 2016. Pour Bonnefoy, le texte est une rencontre vers ce qui est proche, mais aussi étranger – son activité de traducteur en témoignera. Read about music throughout history Read. Fabio Scotto, « La risonanza dell’altro. Courbés, le dos chargé d'une masse noire, Certains semblent attendre, d'autres s'effacent. Trad. Vérifiez les traductions 'Yves Bonnefoy' en anglais. Quand le seau descend dans le puits qui est l'autre étoile. Un autre trait saillant de l’herméneutique caractérisant cet art de traduire, c’est celui de la palette lexicale des nombreux termes à valeur ontologique. À remarquer aussi — avec les modulations explicatives « sans un souffle » et « au-dessus des toits » — la suppression de l’adverbe locatif « di lontan », et le recours à la syncope rythmique par intensification de la ponctuation « désigne,/Sereines, […] ». Vous avez été déconnecté car votre compte est utilisé à partir d'un autre appareil. ), Coll. En 1960, il traduit Jules César, de Shakespeare. 10Le contre-exemple de la traduction des premiers vers de L’infinito fait preuve, en l’occurrence, d’un souci de fidélité plus sourcier, lorsqu’avec le choix du singulier « cette haie » [39] il résiste à la tentation de traduire « questa siepe » par un pluriel (« ces haies ») — solution qui aurait alors suggéré une tout autre sorte de paysage : celui du rêve d’une possibilité pour le poète de « chercher plus loin, voir plus loin, espérer encore, malgré la mort, comme le berger dans les dunes de l’Asie » [40] ; car il lui faut garder l’idée substantielle et spatio-temporelle d’« un sentiment très marqué de la proximité et même de l’ampleur de “questa siepe”, de “cette haie-ci”, toute proche […] » [41]. 11L’écriture traductrice d’Yves Bonnefoy est caractérisée par un certain nombre de stylèmes et de procédés récurrents que les quelques exemples qui suivent se proposent de mettre en évidence. You are currently viewing the French edition of our site. » — cela devient : « Désormais, où le cri de nos grands ancêtres,/Où l’empire de Rome, immense, où ses armées,/Où le fracas qu’elle portait si loin/Sur la terre et les eaux ? allemand → espagnol. Yves Bonnefoy traduit « vie » par « existence » [36], « esser » par « existence » [37], les deux occurrences de « tedio » par « tristesse d’être » [38], ce qui signifie à mes yeux la volonté de situer l’aventure du pasteur dans le domaine de l’existence terrestre et dans la durée temporelle de la finitude humaine, ainsi que le désir de souligner la tristesse du taedium vitae pour l’être humain qui le vit, et qui en est bouleversé à chaque instant au plus profond de son être. L’infinito des Canti est, d’après Yves Bonnefoy, le texte qui mieux que tout autre témoigne de la proximité-différence unissant Leopardi au romantisme : car il remplace la tendance romantique à l’identification avec le symbole (qui correspondrait à l’état d’esprit du poète) par le rêve de qui souhaiterait « […] s’évader du monde visible […] se perdre dans l’abîme de l’incréé » [18]. Traductions en contexte de "bonnefoy" en français-anglais avec Reverso Context : Selon Laurent Bonnefoy, politologue spécialiste du Yémen, les tensions entre ces tribus et … Pas des lettres gauloises, du cyrillique. YVES BONNEFOY. » [76] Soutenue par la reproduction phonique de l’anaphore initiale en [v] de l’original (« vaneggiar vergogna ») dans le groupe consonantique [fr] (« frénesie », « fruit »), et par la traduction de « mondo » par le locatif « ici-bas », on voit là surgir l’idée que le hic terrestre est justement ce qui, d’ici-bas, s’oppose au ciel. », et les « doigts déliés, délicats […] / […] nus » de sa « belle main » gantée, un cruel instrument de torture appliqué sur les « plaies » [89] de l’amant déçu. Lorsque en 1994 Yves Bonnefoy publie sa traduction des vingt-quatre premiers sonnets, pour une édition d’art à tirage limité1, il la fait précéder d’un essai intitulé "Traduire les sonnets de Shakespeare". Y. Bonnefoy, « Le Canzoniere en sa traduction », postface à « Dix-neuf sonnets de Pétrarque nouvellement traduits par Yves Bonnefoy », Conférence n° 20, printemps 2005, p. 361-362. 19Mais l’un des buts fondamentaux d’Yves Bonnefoy dans cette traduction est de sonder « l’inexploré de la pulsion érotique » [81] du Canzoniere, « de porter la traduction d’un mot ou d’un vers un peu plus en avant que lui dans l’explicitation du désir ou du sentiment qu’il [Pétrarque] éprouve » [82], d’y faire affleurer « une pensée plus charnelle » [83]. La reproduction de l’hyperbate de l’original (« Or poserai per sempre,/Stanco mio cor. D’aucun soupir, N’est digne cette terre. 2En ce qui concerne la théorie de la traduction, Yves Bonnefoy garde toute son autonomie vis-à-vis des tendances strictement linguistiques du formalisme structuraliste et du fonctionnalisme socio-linguistique de la communication ; de même, dans la querelle ciblistes-sourciers opposant les sémanticiens linguistes aux stylisticiens littéraires, il refuse de prendre une position nette, en raison de l’impossibilité de réduire un texte à son sens, et de l’exigence de récréer un son et un rythme modernes et personnels loin de toute tentation archaïsante. 19Mais l’un des buts fondamentaux d’Yves Bonnefoy dans cette traduction est de sonder « l’inexploré de la pulsion érotique » du Canzoniere, « de porter la traduction d’un mot ou d’un vers un peu plus en avant que lui dans l’explicitation du désir ou du sentiment qu’il [Pétrarque] éprouve » , d’y faire affleurer « une pensée plus charnelle » . Yves Bonnefoy. […] Elle sera alors comme un chiffre de transparence ; elle annoncera un mystère » ; Yves Bonnefoy, D’où peut-être la définition d’« intarissable, Je souligne. Nouvelle traduction. Est morte, que j’ai crue qui serait sans fin. de l'anglais et de l'italien par Yves Bonnefoy. He has chosen an irregular form: each poem boasts between 14 and 20 unrhymed lines, although he claims to be always following « a (strict) four-stanza structure, with one, the last one, shorter ». Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info. Yves Bonnefoy, « La traduction des sonnets de Shakespeare », Actes des congrès de la Société française Shakespeare, 18 | 2000, 47-62. Traduction et mémoire poétique, Dante, Scève, Rimbaud, Proust (2007) avec Yves Bonnefoy (1923-2016) comme Préfacier Nul ne s'égare (2006) avec Yves Bonnefoy (1923-2016) comme Préfacier Une fois définies ces prémisses théoriques, la praxis d’Yves Bonnefoy agit sur la forme du sonnet en respectant la structure strophique traditionnelle de l’original, avec pour seules exceptions les sonnets CCXXV et CCXXVI [71] où, comme il arrive pour certaines de ses traductions des sonnets de Shakespeare [72], l’on assiste à une incrémentialisation de la quantité globale des vers : celle, ici, des deux quatrains italiens qui deviennent deux quintils. « Si chez Yves Bonnefoy la poésie est pensante, la pensée est réciproquement “poétique” » ; Patrick Née. Leopardi, cinquante ans avant Mallarmé, découvre le vide du Ciel et trouve le Néant qui sera après pour Nietzsche « […] le seuil nécessaire de la modernité de l’esprit » [17]. Yves Bonnefoy: Top 3. Édition bilingue. Enfin, la traduction au dernier vers de « del tutto » par « de tout ce qui est » (je souligne) confirme une fois encore le désir d’éclaircir par l’interprétation les termes métaphysiques de l’argumentation lyrique léopardienne : dans le but de revenir à cette « pure musique » [52] d’avant les mots, ouvrant sur l’immédiateté sensible de leur consistance matérielle — sur l’amoureuse « naïveté fondatrice » [53] de leur être. Yves Bonnefoy, « La traduction des sonnets de Shakespeare », Actes des congrès de la Société française Shakespeare [En ligne], 18 | 2000, mis en ligne le 01 novembre 2007, consulté le 19 décembre 2020. » — « Pour toujours prenne fin/Ta fatigue, mon cœur. William Shakespeare (Auteur), Yves Bonnefoy (Préface, Traduction) 4,5 sur 5 étoiles 348 évaluations. Voilà qui est fort évident dans les présences paradigmatiques des « feux », des « braises » et des « cendres » que remue la « vieille » du sonnet XXXIII [84] — où se voit déjà préfiguré tout le pétrarquisme du Ronsard de Quand vous serez bien vieille [85] ; l’image de la flamme associée au désir qui détruit l’amant revenant également au sonnet CXXXIII [86], comme aussi dans le jeu oxymorique de l’ardeur de la glace du sonnet CXXXIV [87] : brûlure d’amour qui, de la Dame, rend la « Bouche d’ange, superbe » [88], le regard une « merveille ! C’est la traduction poétique qui nous intéressera ici, et plus particulièrement le cas de la traduction du Hamlet de Shakespeare par Yves Bonnefoy, ce dernier considérant Shakespeare avant tout comme un poète. Pourtant, derrière l’apparence de ces stéréotypes — ceux d’une typologie féminine que le poète ne cesse de reproposer, aux caractéristiques vaguement mariales [63] et proches de l’iconographie picturale d’un Simone Martini ou d’un Taddeo Gaddi [64] —, se révèlent le pouvoir de désignation de l’être propre à la poésie, et le mystère des correspondances et des analogies d’un cosmos voulu par un Créateur — bien que l’idée de transcendance de l’époque de Pétrarque ait définitivement disparu de l’horizon moderne. Dans l'étincellement qui va sans lumière. Néanmoins il me semble utile, pour mieux saisir les résultats de mon analyse, de rappeler brièvement les idées essentielles caractérisant la position d’Yves Bonnefoy dans le débat actuel sur le traduire, étant donné son importance dans l’ensemble de sa démarche et la valeur qu’il ne cesse de lui attribuer, s’il est vrai qu’il en parle comme de « l’activité primordiale de la pensée au travail » [3]. Je sens bien que l’espoir s’est éteint en moi. Le traducteur parvient à cette nouvelle dimension strophique grâce à un travail d’expansion expressive (et non pas de dilution) des segments de chaque vers ; ainsi, « En aucune forêt aucune bête » [73] constitue dans sa strophe un vers entier, alors qu’il n’est que la moitié du vers original (« non fu quant’io, né fera in alcun bosco » [74]). Toujours dans le même poème, un procédé syncopé analogue préside peu après à l’allégorisation emphatique du mot « Nature » : à la fois par son initiale qui porte la majuscule, et par l’adjectif « onnipossente » nominalisé qui s’y rapporte (« E l’antica natura onnipossente », rendu par « De ma fenêtre, la Nature, l’originelle/ Puissance » [48]), de manière à expliciter la valeur philosophique du mot, dans le contexte de la réflexion lyrique du poète de Recanati. Laura Wilde - Wolkenbruch im 7ten Himmel. Collectif Yves Bonnefoy Christophe Gallaz Nicolas Raboud Christian Zacharias Nadja Maillard Marie Andr é. GRAND TRADUCTEUR DE SHAKESPEARE, 12 novembre 1959 La traduction qu'Yves Bonnefoy donne aujourd'hui de Hamlet et de Jules César a été annoncée comme un événement littéraire (1). Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin © Armand Colin. La traduction s'élabore, comme l'écrit Bonnefoy, « dans un rapport de destin à destin1 ». 7Mais c’est surtout Yves Bonnefoy qui donne aujourd’hui en France un apport irremplaçable à la mise en valeur de Leopardi. Morte. Repose, pour toujours. Ce même procédé de focalisation de l’attention sur un substantif, ou sur un adjectif substantivé isolé par le présentatif, revient aussi dans l’interprétation personnelle plus libre de certains passages de l’original, comme au sonnet XXXIII : « Lorsque mon espérance entra dans mon cœur,/La presque morte » traduit « quando mia speme già condutta al verde/giunse nel cor » [78], où il est évident que « La presque morte » (qui est l’espérance) n’est qu’une invention du traducteur — et d’autant plus personnelle qu’elle semble renvoyer directement à un stylème de sa poésie récente : « la sans-visage » de « La maison natale » [79]. Est la vie, et jamais rien d’autre. It is filled with translated abstracts and articles from key French-language journals. Pour ce même procédé stylistique, voir aussi. On voit bien que ce projet d’actualisation par la traduction se propose de respecter la forme tout en agissant sur les modalités expressives, de manière à faire parler Pétrarque « pour nous, hommes et femmes d’une époque tout autre » [69], seule façon de « préserver le poétique dans le poème » [70]. il est descendu aux bourgeons, des instants partagés sur les rives du Drim, et en 80 je me joignais à son hommage du monde. Parfois l'étoile du soir, celle qui vient seule, Parfois le feu sans rayons qui attend à l'aube. 1. » [56] Se pose d’abord pour lui le problème de la traduction d’un texte d’une autre époque, qui impose au traducteur une « nécessité de transposition » [57]. Autonomie de la récréation stylistique dont cet autre vers du sonnet LVII présente un admirable exemple : « Attendre, ou n’y plus croire : même fatigue », pour : « onde e ‘l lassare e l’aspectar m’incresce » [80] ; où l’on appréciera, en particulier, la prolepse qui par le nom « fatigue » nominalise le verbe « m’incresce », et le recours aux deux points remplaçant la double conjonction italienne paratactique « e ». La traduction des vers 6 à 9 est exemplaire de la liberté que prend le traducteur de scander par une ponctuation modifiée et personnelle les différents syntagmes constituant la période [51] : usant d’une ponctuation où les deux points introduisent une prolepse, et ou le point virgule (ici au vers 10) se trouve souvent remplacé par un point ; ce qui implique certaines répétitions explicatives comme celles de « Méprise » (aux vers 14 et 16) dans la partie finale du poème. 4La réception de Leopardi en France a été somme toute tardive, à cause d’un préjugé réducteur qui en a fait, aux yeux des Français, moins le poète romantique que le philosophe pessimiste proche de Schopenhauer : d’où leur tendance à négliger une pensée ressentie comme essentiellement négative et ennemie de l’optimisme des Lumières, si l’on en croit Armand Monjo : 6Carlo Ossola a montré la contradiction implicite dans ce défaut réceptif de la part de la France, vu l’amour que Leopardi voue à tout ce qui est « étranger » [10], en particulier le français, « langue sœur » de l’italien [11] ; pourtant il faut considérer l’influence jouée encore à l’époque par la langue et la culture françaises dans le domaine littéraire italien — il suffit de penser au bilinguisme littéraire d’un Alessandro Manzoni — pour y voir une tendance très diffusée et fréquente au temps de Leopardi. » [49]. Cette traduction, qui ne se veut pas « le calque de la littéralité du poème mais l’écoute du désir qui l’écrivit, et l’accomplissement du désir dans un texte restant le sien » [92], enfante donc un désir-auteur [93], auquel répond un désir-traducteur qui « l’éclaire […] » [94]: car aussi bien, « [l]a traduction doit collaborer au poème » [95]. You might also want to visit our International Edition. Quelques traductions nouvelles. Qu'on a cru voir briller entre deux arbres. Yves Bonnefoy - Yves Bonnefoy, né à Tours (Indre-et-Loire) le 24 juin 1923, est un poète, essayiste et traducteur français. Fabio Scotto, « Yves Bonnefoy e Leopardi : tra critica e traduzione », J’ai créé, pour définir les conséquences de cette interprétation, le terme «. Aux arbres : 2. D’ailleurs l’importance du sonnet comme structure formelle — en cela proche de grandes découvertes de la science expérimentale et du syllogisme — est telle qu’il arrive à lui attribuer la capacité de « mettre en question l’ordre social ! Le choix de bannir tout archaïsme lexical fait inévitablement perdre certaines nuances musicales et sémantiques de la polysémie de l’original : c’est le cas du mot-clé « ricordanza » — dont le traducteur saisit pourtant bien la valeur de mot-valise contenant aussi les lexèmes italiens « cor » (cœur) et « danza » (danse) [42] —, sorte de souvenir cher au cœur dont le seul mot français de « souvenir » (utilisé dans la traduction de Alla luna [43]) ne peut nullement rendre la richesse — mais comment faire autrement en français ? Faisant écho à la deuxième partie du vers 12 (« c’est le fruit, cette honte » [77]), l’articulation du vers final en deux segments traduit « è breve sogno » par une double proposition (« c’est bref, ce n’est qu’un songe »), grâce à la réitération du présentatif, ou bien à l’ajout d’un déictique de renforcement à valeur démonstrative. Il est l'auteur d'une oeuvre importante, poétique aussi bien que théorique, qui interroge sans relâche les rapports qu'entretiennent le monde et la parole. Longtemps plus connu en France comme patriote et surtout comme philosophe pessimiste, que comme poète, la renommée de l’auteur des, Car la lune à laquelle s’adresse le berger et ne cessent de s’adresser nombre d’autres poèmes de Leopardi, lune “, Ta fatigue, mon cœur. Patrick Née a montré la présence chez Platon d’« une prise en compte extrêmement concrète de l’éros humain, et [d’]une véritable vie des corps et de leur désir », ainsi que d’un « dualisme » qui « aboutit à son contraire, la vie de l’âme dépouillée de ses entraves corporelles » (Patrick Née, Michael Edwards voit dans Pétrarque le précurseur de l’idée (qui sera ensuite celle de John Keats) d’un « créateur [qui] doit se créer soi-même » : «. » [45], 12Le poète-traducteur sait parfois saisir le moment précis où cette reproduction phonique est possible (au point qu’on ne puisse y renoncer) — ce qui est plus probable, il me semble, entre deux langues philologiquement aussi proches que l’italien et le français. Yves Bonnefoy est né à Tours (Indre-et-Loire) le 24 juin 1923. 16Le corpus des travaux d’Yves Bonnefoy sur le « fondateur de la République des Lettres » [54] est essentiellement constitué par sa traduction de Dix-neuf sonnets de Pétrarque [55], suivi de l’essai « Le Canzoniere en sa traduction. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Mais toujours l'eau est close, au fond du puits. Enfin, un poète allait traduire un poète. Yves Bonnefoy, « Entretien avec Pierre-Emmanuel Dauzat et Marc Ruggeri », in Pierre-Emmanuel Dauzat (dir.). » [75]. 13Voyons maintenant la traduction de A se stesso, utile pour montrer à la fois les stylèmes dominants d’une réécriture et d’une herméneutique sous-jacente : 15Sur le plan quantitatif, constatons tout d’abord l’incrémentialisation qui rallonge l’original d’un vers : ce qui implique que le traducteur travaille sur le texte dans son ensemble, et non pas sur chaque vers en tant que tel. D’où le choix de traduire la poésie en vers libres, avec la conviction que la traduction poétique appartient à titre plein à l’œuvre du poète-traducteur : ce qui suppose une affinité avec l’auteur qu’il traduit, dont il reprendra, sans l’imiter, le projet original en l’accueillant dans son propre univers linguistique et expressif [4]. Chez Yves Bonnefoy donc, la pensée critique informe la traduction, selon une réciprocité chiastique entre poésie et pensée que Patrick Née a justement remarquée [26]. Collection Poésie, Mercure de France Parution : 13-04-2000 «Faut-il justifier une tentative nouvelle de traduction, quand il s'agit de l'"Ode au rossignol" ou du "Chant du pasteur errant" ? Méprise. Paroles et traductions - Yves Bonnefoy: Aux arbres, Le puits, L'écume, le récif, Tombeau de Stéphane Mallarmé, Un souvenir, La foudre, L’arbre, la lampe Sur le plan métrique, à l’alternance de l’heptasyllabe et de l’hendécasyllabe de l’original correspond un vers libre allant de six à treize syllabes, mais dont la longueur la plus récurrente en compte douze — bien que son schéma s’éloigne des coupes traditionnelles de l’alexandrin. Dans cette perspective, la traduction qu’Yves Bonnefoy donne de ce grand poème léopardien [19] — traduction que j’ai déjà analysée [20] en montrant, surtout dans sa clausule, un éloignement de la structure anaphorique et de la valeur tragique du mot « naufragar » [21] — se révèle pourtant cohérente avec ce qu’il écrit dans son essai sur ce poème, qui opposerait le rêve à la cruauté de la nature, et l’esprit à l’ennui, pour « désirer le non-être comme le refuge paradoxal de la réalité proprement humaine » [22], jusqu’à le percevoir comme le lieu illimité de l’infini. Cahiers de L'Herne, L'Herne, 2010. » [46] Cet exemple s’impose d’abord par la reproduction de l’hyperbate initial — figure de style bien plus rare en français qu’en italien — qui met ici en évidence l’importance des adjectifs-« notions » [47]. Il faut dire aussi que le traducteur doit se servir des moyens dont il dispose dans sa langue ; on voit que dans le même texte, le verbe français « se remémorer » rend beaucoup mieux (y compris du point de vue phonique) l’original italien « rimembrar » [44] ; on connaît bien en tout cas la position d’Yves Bonnefoy qui exclut notamment toute possibilité d’équivalence phonique entre deux langues, en raison des différences prosodiques et de la valeur autre qu’acquiert le même son dans chacune d’entre elles : « D’une langue à une autre à ce plan des sons, qui sont toujours en rapport étroit avec le sens, aucune possibilité de transposition réelle, rien que des vagues ressemblances qui n’abusent que ceux qui ne savent ni écouter ni comprendre. Rien ne mérite tes fièvres. Et l'oiseau à nouveau se hissera dans son vol. On ne trouvera pas meilleur exemple de la nature essentiellement poétique des décisions du poète-traducteur, de sa présence sensible dans le paysage du texte. Tombeau de Stéphane Mallarmé: Commentaires. Son ouvrage L’Enseignement et l’exemple de Leopardi [12] lui reconnaît même « un surcroît de grandeur » [13] par rapport aux autres « grands poètes » [14] de l’époque (Hölderlin, Wordsworth, Hugo, Nerval, Baudelaire), Leopardi ayant été le premier à percevoir « […] que la réalité naturelle, celle au sein de laquelle nous sommes immergés, n’est rien de plus qu’une matière muette, aveugle, dans les plis de laquelle il n’y a aucune surnature […] » [15] ; alors que la poésie romantique s’identifie à une « […] pensée du divin que l’on peut dire encore théologique » [16]. On voit bien ici la pensée critique à l’œuvre dans le travail d’interprétation et de réécriture qu’entreprend Yves Bonnefoy : si la poésie doit coïncider avec « la capacité d’aimer » [23] et d’espérer, Leopardi, dont il ne nie ni l’amertume ni le désarroi face au taedium de l’existence, ne peut nullement être le poète du désespoir [24] ; mais il sera capable d’« avoir l’intuition qui permet à la poésie de sortir de l’impasse où la pensée du non-être risque de la faire se perdre » [25]. 3Critique de la notion d’« Ursprache » de Walter Benjamin [5] et de la perspective herméneutique — à son avis trop sémanticiste — de George Steiner [6], Yves Bonnefoy, plus proche de la pensée d’Antoine Berman [7], nourrit sa pratique d’une constante réflexion sur les auteurs et sur leurs œuvres, qui accompagne presque toujours la publication de ses traductions [8] : signe évident qu’il vise une poétique du traduire, où la pensée et la création littéraire s’intègrent mutuellement. Le voyage de l'homme, de la femme est long, plus long, C'est une étoile au bout du chemin, un ciel. Yves Bonnefoy (Tours, Indre-et-Loire, 24 de junho de 1923) é um poeta francês, autor de inúmeros livros de poemas, além de ensaios sobre arte e literatura. Yves Bonnefoy est un poète, critique et traducteur français né le 24 juin 1923 à Tours en Indre-et-Loire. Sulla traduzione in Yves Bonnefoy », in Yves Bonnefoy, Fabio Scotto, « Traduire Yves Bonnefoy en italien : le cas de. Les numéros de page à côté des sonnets cités se réfèrent à cette édition. Et me souvenant des rêves les plus chers. 1Ayant déjà consacré à la théorie et à la pratique de la traduction d’Yves Bonnefoy deux études récentes [1], ainsi que plusieurs autres articles aux problèmes posés par la traduction de sa poésie en italien [2], j’éviterai ici de revenir longuement sur ces thèmes pour approfondir plutôt, dans ses implications théoriques et pratiques, le travail d’Yves Bonnefoy sur Leopardi et sur Pétrarque, les seuls deux grands poètes italiens qu’il ait traduits. Ses parents, originaires du Lot et de l’Aveyron, étaient, l’un, ouvrier monteur aux … Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires; Music Tales. Compte tenu du savoir somme toute limité que le traducteur de poésie peut acquérir sur l’histoire et sur la pensée de l’époque de l’auteur, Yves Bonnefoy décide de « prendre au sérieux [s]es impressions immédiates » [58], celles « du choc qu’a produit le premier instant » [59] de sa lecture du poète italien ; car « Rester auprès de soi n’est pas nécessairement trahir l’œuvre, quand celle-ci est de poésie. William Shakespeare (Auteur), Yves Bonnefoy (Traduction) 4,5 sur 5 étoiles 85 évaluations. L'écume, le récif: 3. », aux vers 1 et 2) alterne avec un retour à l’ordre progressif sujet-verbe du français : « Perì l’inganno estremo » (v. 2) devenant « Mon ultime illusion/Est morte » (v. 2-3) ; ou encore, « il brutto/ Poter che, ascoso, a comun danno impera » (v. 14-15) donne : « Cette force brutale qui préside/En secret au malheur universel » (v. 16-17, je souligne). Voir les formats et éditions Masquer les autres formats et éditions. Amertume et ennui. » [60] Or ce qui le frappe dans la poésie de Pétrarque, c’est la présence « d’un réseau serré de ce qu’aujourd’hui nous appellerions des stéréotypes » [61], dont la rhétorique semblerait l’éloigner « des intuitions que rien n’explique » qui furent celles d’Homère, de Virgile et de Dante [62]. C’est le cas de l’incipit de La sera del dì di festa : « Dolce e chiara è la notte e senza vento,/E queta sovra i tetti e in mezzo agli orti/Posa la luna, e di lontan rivela/Serena ogni montagna. Mon ultime illusion. Par conséquent, le traducteur décidera de combattre « le stéréotype, […] cette sorte de réalité en puissance supérieure » [65] pour situer les êtres, selon une topographie plus horizontale que verticale dans « ce monde où l’on vit dans l’ordinaire des jours » [66], par un désir de la poésie d’être proche « d’une personne réelle soudain reconnue comme telle » [67]. L’exemple de la traduction du Canto notturno di un pastore errante dell’Asia [27] témoigne de cette pensée à l’œuvre dans et par la traduction, comme son essai Traduire Leopardi [28], où Bonnefoy justifie la liberté qu’il a prise de traduire la locution italienne « seguirmi viaggiando a mano a mano » [29] — qui signifie en italien peu à peu, et a donc une valeur temporelle — par « Ou me suivre, main dans ma main près du troupeau » [30] ; en assumant donc, par ce glissement métonymique, la responsabilité d’« assurément dire plus que Leopardi, si ce n’est pas même dire autre chose » [31] du fait de sa conviction qu’une identification de la lune (interlocutrice muette du pasteur) avec la femme dont le poète a rêvé, est possible : 9La nécessité et le courage de l’interprétation sont à la base de cette décision traductrice, à partir de laquelle d’autres découlent en chaîne : comme par exemple celle de traduire « Vergine luna » par « Ô lune,/ Ô vierge » [33], double vocatif séparant le substantif de son épithète, et supposant explicitement une vision anthropomorphique féminine du symbole (la vierge). Cherchez des exemples de traductions Yves Bonnefoy dans des phrases, écoutez à la prononciation et apprenez la grammaire. Entre 1957 et 1988, le poète français Yves Bonnefoy a traduit le Hamlet de Shakespeare à cinq reprises. Shakespeare : quatre sonnets sous chacun deux formes suivi de Dix-neuf autres sonnets In : Yves Bonnefoy : L’amitié et la réflexion [en ligne]. 30 citations d'Yves Bonnefoy - Ses plus belles pensées Citations d' Yves Bonnefoy Sélection de 30 citations et phrases d' Yves Bonnefoy - Découvrez un proverbe, une phrase, une parole, une pensée, une formule, un dicton ou une citation de Yves Bonnefoy issus de romans, d'extraits courts de livres, essais, discours ou entretiens de l'auteur.